Saguenay

Le 20 octobre 1838, une embarcation arrive à Grande Baie avec, à son bord, 48 personnes1. Cette date est synonyme de l’ouverture de la région à la colonisation et marque le début de l’établissement des institutions telles que nous les connaissons aujourd’hui. La venue de nouveaux arrivants sur un territoire quasi vierge nécessite la formation d'une organisation politique, municipale, religieuse, scolaire et surtout, judiciaire. En effet, pour contrer à un manque de terres cultivables, plusieurs personnes décident de venir s’y établir. Cependant, l’augmentation de la population sur le territoire saguenéen engendre quelques problèmes qui nécessitent la formation de structures judiciaires. Bien que le besoin d’établir des institutions auxquelles les habitants peuvent demander assistance devient urgent, la mise en place de celles-ci s’étale sur une période assez longue.

La période 1838-18422 est caractérisée par la dominance de la Compagnie de la Baie d’Hudson sur la région. En effet, on considère que les hommes venus s’établir au Saguenay, tout comme les travailleurs forestiers, relèvent de l’autorité de la CBH3. Ainsi, pour obtenir justice, les habitants de la région relèvent des tribunaux de Québec et des Éboulements4. En fait, avant 1839, le district de Saguenay relevait de l’autorité de Québec. En 1839, on observe la création d’une cour de circuit. L’Honorable André-Rémi Hamel5 est nommé commissaire et a pour fonction de se déplacer dans le comté pour fournir les services juridiques aux colons. Cette cour siège aux Éboulements et traite de « matières civiles de première instance mettant en cause des litiges de moins de 50 livres »6. Cette cour fut en vigueur jusqu’en 1843 puis céda sa place à une cour de district qui fut, à son tour, remplacée par une cour de division.

En 1843, le système en place est aboli pour faire place à une division du district de Québec en « huit circuits, dont une cour de circuit, au Saguenay »7. Malgré tout, cette cour tient son siège aux Éboulements, ce qui représente une distance tout aussi importante que celle qui sépare Saguenay de Québec.

De même, la Cour de circuit a juridiction sur des causes de moins de 50 livres sterling et les causes dépassant ce montant doivent être entendues devant la Cour Supérieure, à Québec. C’est ainsi qu’un autre genre de régime prend place au Saguenay, le régime des « fier-à-bras »8. Pour contrer ce régime, Grande Baie accueille une cour des commissaires en 1847. Malgré tout, la population augmente toujours et les litiges dépassent trop souvent la somme de 50 Louis. Les causes ne peuvent donc pas être traitées à Grande Baie et le besoin d’avoir son propre centre juridique avec juge résident se fait de plus en plus sentir.

Le Statut 129 de 1849 prévoit l’établissement, au Saguenay, d’une Cour de circuit avec un juge résident. Chicoutimi est désigné pour accueillir David Roy comme juge et celui-ci siègera dans le chef-lieu jusqu’en 1859.

Graduellement, le système judiciaire se met en place au Saguenay et nous observons également que l’appareil judiciaire tend à établir ses bases à Chicoutimi.

L’établissement d’une Cour de circuit avait également une juridiction limitée. Combiné à l’éloignement du siège de cette cour, un autre type de régime fit son apparition; celui des fier-à-bras. Introduit par McLeod, ce régime consistait à se faire justice soi-même et au besoin, résoudre les problèmes au moyen de la force physique. L’absence de siège juridique au Saguenay a permis la prolifération des injustices commises envers les travailleurs ainsi qu'à des abus de toutes sortes.

Bibliographie
01. TREMBLAY Victor, Histoire du Saguenay depuis les origines jusqu’à 1870, Chicoutimi: Lib. Régionale, 1984, p.239
02. Ibid., p. 393
03. Compagnie de la Baie d’Hudson
04. TREMBLAY Victor, Op.cit., p. 393
05. CLAVEAU Lina, l’administration judiciaire au Saguenay-Lac-Saint-Jean
06. KOLISH Evelyn, Les archives judiciaires: la nature des principaux fonds au Saguenay-Lac-Saint-Jean,
07. CLAVEAU Lina, Op.cit., p. 14
08. TREMBLAY Victor, Op.cit., p. 394
09. Statut 12, Victoria, chap.38 qui stipule qu’il y aura neuf cours de circuit pour le district de Québec dont une à Chicoutimi avec juge résident jusqu’en 1858.

Textes et références : Vanessa Morin, Bachelière en histoire, UQAC